Roger Serre (IGS): «Avec l’alternance, il a fallu convaincre que l’entreprise avait un rôle pédagogique»
INTERVIEW - Roger Serre est le fondateur et délégué général du Groupe IGS, une fédération d’associations à but non lucratif créée par des entreprises et l’Union nationale des associations familiales. Il est l’un des précurseurs de l’alternance en France dans le secteur tertiaire.
LE FIGARO ETUDIANT-Comment l’alternance et l’apprentissage ont-ils fait leur entrée dans l’enseignement supérieur?
ROGER SERRE-En 1980, aucune formation en apprentissage ou en alternance n’était dédiée aux métiers du tertiaire. Il nous a alors paru essentiel, alors que nous étions aux balbutiements de la digitalisation, de marier emploi et pédagogie. Nous sommes partis du principe que, comme dans les métiers manuels, il était primordial de mettre à jour les «beaux gestes». Nous avons œuvré pour offrir aux jeunes de tous niveaux la possibilité de faire des études supérieures et d’organiser un enchaînement possible de Bac - 3 à Bac + 6. C’était déjà à l’époque une filière de promotion sociale pleine et entière sur des métiers en pleine transformation. C’était aussi une manière d‘initier une philosophie pédagogique car aujourd’hui encore, l’alternance et l’apprentissage ne sont pas un circuit de financement, mais bel et bien une philosophie du partage. Durant seize ans, nous sommes restés les seuls à proposer cela, car il a fallu convaincre que l’entreprise avait aussi une vocation de pédagogie et d’éducation, y compris dans les sièges sociaux, et plus uniquement sur le terrain.
Quel regard portez-vous sur la réforme de l’apprentissage et de l’alternance?
Je pense sincèrement que les fondamentaux - à savoir que les entreprises arrivent à mieux appréhender le contenu de leurs emplois de demain - qui ont conduit à cette loi sont bons. Le but est d’accélérer l’adaptation des contenus des programmes et systèmes éducatifs, et de permettre la coopération entre établissements de formation et entreprises au travers de programmes mieux adaptés. Les entreprises et les branches ayant, par ailleurs, plus de pouvoirs pour définir elles-mêmes ces programmes. Est-ce que ce bouleversement va être aussi rapide que souhaité? Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Nous allons constater de plus en plus d’initiatives d’entreprises et d’établissements d’enseignement, mais je crois que cette montée en puissance de la pédagogie de l’alternance mérite un peu de temps afin que tout le monde puisse se mettre à niveau. Les enseignants et maîtres d’apprentissage sont de plus en plus des accompagnateurs de réussite. Cela suppose d’autres profils et des relations très fortes avec l’emploi.
Que suggèreriez-vous pour aller plus loin?
Il faudrait encore investir dans les méthodes pédagogiques et dans la formation de formateurs en école et en entreprise et mettre l’accent sur la pédagogie de la compétence. La compétence c’est la connaissance, le savoir être, le savoir-faire, le savoir-faire faire et le savoir transmettre. Le quotidien de la formation intègre de plus en plus de valeurs universelles et il est nécessaire de replacer l’humain au centre de toutes ces démarches. Les entreprises du tertiaire ont encore des progrès à faire pour devenir comme les artisans, capables de transmettre les gestes. C’est par l’alternance et l’apprentissage que nous pourrons structurer la pédagogie des talents comportementaux. Tout cela revient à replacer l’homme au cœur du processus et c’est ce qui fera la différence entre l’intelligence artificielle, dont nous avons tous besoin, et l’intelligence naturelle.
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